Et pour vous, qui suis-Je ?

21e Dimanche TOA

Matthieu 16,13-20

Et moi, je te dis… je te donnerai…

Nous vivons dans un temps où les hommes sont, plus que jamais, devenus fans de leur « moi ». Même s’ils passent à 300% à côté de leurs fonctions, ils n’ont aucune gêne à déclarer : « Je suis… » Après tout, il reste qu’être conscient de qui on est demeure un moyen sûr de se ressaisir, de mieux jouer sa fonction ou, plus particulièrement, de franchir une nouvelle étape dans sa vie. Toutefois, il faut savoir choisir l’endroit favorable et l’occasion idéale. Jésus, lui, a choisi la région Césarée de Philippe. Pourquoi ?

Site réputé pour son verdissement, ses belles rivières- l’Hermon sur la base de quoi il est situé et le Jourdain qu’il nourrisse-, Césarée de Philippe a été jadis connu sous le nom de Panéas, en l’honneur de Pan, divinité de la fertilité qu’on adorait en ce lieu. En effet, en l’an 20 avant notre ère, l’empereur César Auguste donna en cadeaux beaucoup de territoire à Hérode le Grand. Celui-ci y fit bâtir un temple en marbre blanc qu’il dédia à l’empereur. Mais par la suite, Philippe le tétrarque, fils d’Hérode, étendit et embellit la ville en l’honneur de Tibère César. C’est alors qu’elle reçut le nom de Césarée. Et pour la distinguer de la ville portuaire du même nom, on l’appela Césarée de Philippe.

En fait, il y avait beaucoup de temples dans la région dédiés, chacun, à un dieu païen et faisant donc objet de tant de cultes et de convictions religieuses ; mais le plus notoire était celui dédié à Pan ; et cela, pour ses marbres blancs et sa montagne avec son imposante falaise, tel un roc inébranlable, qui le fortifiait. Il y avait aussi une source où l’eau jaillissait violemment dans une cave et où l’écho était si assourdissant et qu’elle était vénérée comme une «porte de l’enfer» ; on y jetait parfois un être humain en sacrifice. (On sait pourquoi Jésus changea le nom de Simon en Pierre, et pourquoi Il a dit que même les portes de l’enfer ne peuvent rien contre l’Eglise dont il sera le premier responsable visible après le départ du divin Fondateur). Ainsi, quand les foules qui venaient fréquenter le temple de Pan virent des Galiléens discutant entre eux et semblent suivre un Maître, ils cherchent à savoir qui est ce Maitre. Sachant cela, Jésus faisait un retrait et posa la question fondamentale à ses amis, «Qui suis-je, pour eux et pour vous ?»

A côté de toutes les étiquettes qu’on collait sur Jésus : Jean-Baptiste ressuscité, Elie dont on attend le retour, Jérémie, un des grands prophètes, un hérétique, un possédé, un séducteur, un glouton, un ivrogne..., Pierre, très impulsif, va trouver le titre exacte : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! », une déclaration de foi qui lui a valu le fondement (avec garanti) de l’Eglise dont Jésus seul est le constructeur: « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ; tout ce que tu auras lié et délié sur la terre sera lié et délié dans les cieux ; J’ai prié pour toi afin que ta Foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères et sœurs… Paix mes agneaux, fais paitre mes brebis…» (Luc 22,32 ; Jean 21,15)

Retournons à cette déclaration qui allait inaugurer un tournant dans la vie de Jésus. Oui, un tournant car après cette conversation, Matthieu ajoute : « A partir de ce moment, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des Grands Prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter. »  Toutefois, ce qui est intéressant dans tout cela, c’est que Pierre n’avait rien dit de neuf. Neuf fois déjà, Jésus S’est déjà attribué le titre de « Fils de l’Homme » ; et même si Pierre ajoute « Fils de Dieu » (Messie-Roi), cela ne veut pas dire qu’il a été le premier à le faire. Ce qui est nouveau, c’est simplement leur jonction. « Qui est le fils de l’homme ? » demande Jésus et Pierre répond « Il est le Fils de Dieu ». Jésus fera le même rapprochement au moment de son interrogatoire par le Grand Prêtre : celui-ci lui demande « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es toi, le Messie, le Fils de Dieu. » Et Jésus répond : « Tu le dis. Seulement, je vous le déclare, désormais vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel. » (Marie Noëlle Thabut).

Il est bon de se rappeler que l’autorité conférée à Pierre n’est pas une autorité de pouvoir, mais est une autorité de service. Le rôle de Pierre, aujourd’hui François, est aussi d’être un symbole d’unité dans l’Église. Pierre, et tous les papes qui se sont succédé après lui, est donc celui autour duquel les Chrétiens font l’unité. «Le Christ, Pierre vivante, assure à son Église bâtie sur Pierre la victoire sur les puissances de mort. Pierre, en raison de la foi confessée par lui, demeurera le roc inébranlable de l’Église. Il aura mission de garder cette foi de toute défaillance et d’y affermir ses frères. Le pouvoir des clefs désigne l’autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l’Église. Jésus, le Bon Pasteur, a confirmé cette charge après sa Résurrection: "Pais mes brebis". Le pouvoir de "lier et délier" signifie l’autorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans l’Église. Jésus a confié cette autorité à l’Église par le ministère des apôtres et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume.» (CEC 552-553).

Mais, qui était pourtant Pierre ? En tout cas, il n’était ni un grand homme, ni aussi savant que Paul (le docteur des nations), ni un héros, ni un riche, mais un pêcheur, un homme simple avec ses défauts et ses failles. De toute façon, nous voyons clair que tout cela ne veut rien dire pour Dieu. En effet, le Seigneur ne nous appelle pas pour ce que nous sommes, mais pour ce qu’Il veut faire de nous. S’Il nous appelle, malgré nous, c’est parce qu’Il nous a déjà donné la grâce de répondre et déposé en nous ce dont nous avons besoin pour en être à la hauteur. Malgré la violence et la faiblesse de Simon, son courage teintée de lâcheté, le Seigneur a fait de lui la pierre sur laquelle Il a bâti son Eglise sur quoi les portes de l’Enfer (l’Hadès) n’avaient, n’ont et n’auront aucune emprise.

Toi aussi, tu n’es ni un génie donc pas qualifiable, ni un héros ; tu ne réponds pas à aucun des critères humains ; et pourtant, ce que le Christ a fait pour Pierre et pour tous ceux qui ont confessé sa filiation divine, il peut et veut le faire pour toi aussi ; mais pas sans avoir répondu avec conscience et sincérité à la même question : « Pour toi, qui suis-Je ? » Quelle est ma place dans ta vie ? Qu'est-ce que Je représente pour toi ? Que dis-tu de Moi ? As-tu du temps pour Moi ? As-tu confiance en moi?

Je connais tes faiblesses et tes erreurs, tes incrédules et tes infidélités parfois, ton passé pas trop joli, ton présent et ton futur… Mais aie foi, n’aie pas peur ! Je peux et veux faire de toi un « rocher » sur lequel peuvent s'appuyer tes sœurs et tes frères en panne de foi. Tu peux les aider à vaincre les puissances du mal, mais pas sans avoir foi en Moi et être en communion avec Moi. Ouvre tes yeux, et tu verras se manifester au milieu de toi et de tes prochains le règne de la mort qui qui cause tant d’insupportables souffrances et qui incite à poser des questions. Toutefois, tu peux être le lieu de la manifestation du Royaume, en donnant au monde l'espérance qui ne déçoit jamais. Entends-tu Ma voix ? Ne ferme donc pas ton cœur.