La tentation au désert

1^er dimanche de Carême A
Matthieu 4,1-11
Alors le diable le laisse. Aussitôt des anges s’approchent, et ils le servent.

Sœurs et frères bien-aimés,

Avec la cérémonie des Cendres du mercredi dernier, nous étions entrés dans un nouveau temps liturgique, le Carême. Et l’Eglise, en sa qualité de bonne Mère spirituelle, se donne le devoir de nous faire parcourir le chemin vers la lumière, en compagnie de son divin Epoux, le Christ. C’est un itinéraire d’une grande richesse théologique, passant par des scènes évangéliques spirituellement profondes. Nous y allons expérimenter l’amour du Père se manifestant en Jésus lors de l’événement de sa Transfiguration, dans Sa rencontre avec la Samaritaine, dans la guérison de l’aveugle-né, et dans la résurrection de la Lazare. Un chemin vers la gloire…

Toutefois, ce chemin n’est pas sans épreuves. Voilà pourquoi cette bienveillante Maman nous invite à le prendre en commençant par aller au désert avec le Christ, pour vivre la tentation et apprendre de Lui comment bien la vaincre. Car, la vie est un chemin qui doit nous mener au ciel. Mais afin que nous le méritions, nous devons passer par bien d’épreuves. Cependant, il ne faut pas croire que la tentation faisait partie du dessin de Dieu sur nous (Jc 1,13…). Pour le comprendre, il se révèle nécessaire d’évoquer l’éclaircissement du serviteur de Dieu, SS Benoît XVI, (Audience générale, 3 décembre 2008), qui nous rappelle que :

« Le projet originel de Dieu pour l’homme est le bonheur parfait et la communion avec Lui. L’homme n’est pas créé à la fois bon et mauvais, comme le disent certains courants de pensée, il est créé très bon par Dieu, Lui-même Source de tout bien. C’est un acteur secondaire, une « source subordonnée », qui le porte à douter de la bonté de Dieu et de la création et fait entrer le mal dans son cœur. Apparaît en effet un acteur étrange, sous la forme du serpent, qui déforme le Commandement divin pour engager la conversation et faire douter des bonnes intentions de Dieu : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : ‘Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin ?’ » (Gn 3, 1). » C’est ce qu’il fait en ce premier Dimanche de Carême : il utilise la Parole de Dieu, en la déformant, pour tenter Jésus au désert. Laissons donc le Christ Lui-même nous raconter l’histoire et nous y faire entrer dans l’intelligence :

« Je viens tout juste de Me faire plonger dans le Jourdain par Jean, mon Précurseur, où j’ai entendu cette Parole de mon Père fondant dans mon existence "C’est Lui mon Fils, le Bien-Aimé, Celui en Qui Je Me complais." Etant Homme, il a fallu donc que Je fasse un choix : ou bien Je Me situe en Fils, ou bien Je Me comporte comme Dieu. Mais comme mon peuple, Je devais découvrir quelle est la volonté de mon Père sur ses fils et choisir qui obéir. Voilà pourquoi Je me suis rendu au désert, sous la Mouvance de l’Esprit. Mais savez-vous pourquoi J’ai choisi le désert ?

« J’ai choisi le désert parce que c’est justement le lieu idéal, en raison de sa double signification : lieu du mal et du bien. Premièrement, Matthieu parle de bêtes sauvages... Qui dit désert dit aussi lieu de difficultés et de mal ; car l’on y expérimente le manque de nourriture et d’eau, le danger, la solitude. Il y fait très chaud ou très froid, dépendamment de la saison. On est seul avec soi-même, sa vie et ses questions. Ce lieu, pour faire bref, traduit l'absence de vie.

« Mais aussi, Matthieu a mentionné les Anges. Il représente ainsi lieu du Royaume de mon Père où l’on puisse accueillir son don. C’est un lieu où l'on peut se retirer pour prier (rappelez-vous de Jean-Baptiste et d’Antoine, le fondateur de la vie monastique). Le désert, pour ainsi dire, est aussi le lieu de la fidélité, de la rencontre, donc lieu du bien.

« J’ai donc choisi d’y aller car, après avoir assumé votre condition d’homme (Adama), il a fallu que j’ai vaincu le péché et son auteur. Vous voyez maintenant pourquoi je suis allé l’affronter là où le premier homme, Adam, s’était laissé entraîner dans l’esclavage. Suivez bien ! Car, présentées sous trois aspects et synthétisant pédagogiquement toutes les formes possibles de chute, mes tentations vont vous révéler la dynamique de toute tentation.

« Avant de vous présenter ces subtiles tentations, vous devez savoir que l’accusateur de vos frères (Ap 12,10) cherche encore à vous faire tomber. Il est présent dans toutes les luttes de votre vie et n'en démord pas. Il sait déguiser ses attaques pour vous attaquer par vos points faibles. Il est un maître en tromperie. Malin qu’il est, il a utilisé la Bible pour chercher à Me détourner de la voie du sacrifice et de l'amour que J’offre encore au monde.

« Il commençait par Me proposer de prendre une route facile, celle du succès et de la puissance. Voyez comment a-t-il procédé : « Si tu es Fils de Dieu, m’avait-il dit, dis à ces pierres qu’elles deviennent des pains ! » Voyez-y une tentation de la gourmandise, au moyen du pouvoir. « Si tu es Fils de Dieu, continue-t-il, jette-toi en bas, car il est écrit : Il a donné pour toi un ordre à ses anges… » Voyez-y une tentation de la vaine gloire, au moyen du plaisir. « Je te donnerai tout cela, a-t-il conclu, si tu tombes à mes pieds pour m’adorer » Voyez-y une tentation de la pure cupidité, au moyen de l’argent et du matériel.

« La seule chose que le tentateur a oublié, c’est qu’il était en face de Celui qui l’avait créé bon. Cependant, sachant très bien qu'avec Satan on ne peut pas dialoguer, J’ai décidé de le battre bien vite à son propre jeu, en choisissant de Me réfugier dans la Bible : Je suis allé dans le livre du Deutéronome, dans un passage qui est précisément une méditation sur les tentations du peuple d’Israël au désert, pour lui répondre (Dt 8,3 ; 6,16 ; ,13).

« Le comble de ces tentations, c’est qu’elles visent des promesses de mon Père. Au fait, le diable ne M’y promettait rien d’autre que ce que mon Père lui-même M’a déjà promis. Ce malin le savait très bien, mais la différence c’est que les promesses de mon Père sont de l’ordre de l’amour ; elles ne peuvent être reçues que comme des cadeaux, car l’amour ne s’exige pas, ne s’accapare pas. L’amour ne pose pas de condition ; il se reçoit à genoux, dans l’action de grâce.

« Ouvrez vos yeux, et vous verrez qu’il se passe la même chose qu’au jardin de la Genèse : Adam savait, et il avait raison, qu’il a été créé pour être roi, libre, et maître de la création ; mais au lieu d’accueillir les dons que mon Père lui avait faits dans l’action de grâce, dans la reconnaissance, il exigeait et, en complicité avec le malin, revendiquait, se posait en égal de Dieu… Il était donc sorti du registre de l’amour et il ne pouvait plus recevoir l’amour offert… Il se retrouvait par conséquent pauvre et nu.

« Ne vous inquiétez pas… vous avez seulement besoin de fixer vos yeux sur Moi pour entrer dans le combat de Dieu. Oui, ne vous inquiétez pas, car en réalité, j’ai déjà acquis cette victoire ; et Je vous ai transfigurés en Moi, quand J’ai voulu être tenté par Satan. En Moi, c'est vous qui étiez tentés, parce que Je tenais Ma chair de vous pour vous donner le salut. Je pouvais écarter le diable de Moi ; mais, si Je n'avais pas été tenté, comment sauriez-vous, à vous qui devez être soumis à la tentation, comment remporter la victoire sur lui ? »

Sœurs et frères… Vous et moi, c’est maintenant le moment de nous mettre en face de cette péricope et nous y regarder comme dans un miroir : ces tentations se présentent souvent dans notre vie de manière subtile, sous forme de richesse, de vanité et d’orgueil. Il suffit de voir à notre époque ce que l’homme est capable de faire pour l’argent. Où en sommes-nous dans notre combat contre le désir de jouissance sensuelle et matérielle, contre l’aspiration à être reconnu, célébré, placé au-dessus des autres?

N’essayons pas de nier la présence de ces vices en notre vie, n’ayons pas la témérité de nier l’existence du Diable : il serait le premier à s’en frotter les mains… Faisons donc un examen sincère, et découvrons la présence de l’égoïsme en nous qui nous fait rejeter Dieu et choisir le mal.

Oui, aujourd’hui plus que jamais, l’adversaire nous attaque dans notre qualité de croyants, en nous persuadant qu’il suffit de nous contenter des nourritures terrestres : le sport, les études, la carrière, l’argent, le pouvoir. Face à cette recherche de liberté absolue et d’autonomie totale, le Christ nous rappelle que ce n’est pas seulement de pain que nous devons vivre... mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu.

Donc avec Lui, apprendrons à rejeter toutes les publicités mensongères qui courent à travers le monde, visant à nous détourner de l’Évangile et de notre lien avec Dieu notre Père. Pour affronter ces ennemis redoutables, Jésus nous montre la « stratégie » et l’attitude qui portent à la victoire : le chemin de l’humilité et de l’obéissance. Nous avons seulement besoin de fixer notre regard sur Lui. Ainsi, de la même manière, face à Lui, Satan a eu le dessous, le Tentateur sortirait vaincu de notre cœur.

Maintenant, écoutons encore le Christ nous parler, chacun personnellement:

Tu es mon œuvre ; Je te connais donc. Je connais ta faiblesse face à la tentation, manifestée sous diverses formes et qui t’assaillit de tous côtés. Crie avec force et espérance vers Moi ; Je ne t’abandonnerai. Toutefois, tu as besoin de discerner pour fuir le discours séducteur du Tentateur et pour découvrir le mensonge de ses propositions.

En Me permettant d'être tenté, J’ai voulu t’enseigner comment tu dois lutter et vaincre toi-même tes tentations: par la confiance en Dieu et par la prière, avec la grâce divine et la force. Maintenant, prie le ‘Notre Père’. Prie-le avec conviction pour toi. Récite aussi cette prière que Je t’ai enseignée Moi-même pour tous ceux qui se sont tentés par le démon et qui se sentent démunis, ceux que tu connais et ceux que tu ne connais pas.

Si tu ne te laisses pas faire, ce diviseur va te quitter, comme il M’a quitté quand il n’a pas réussi à diviser, à détourner mon Cœur de mon Père. C’est alors que tu viendras tout disponible pour accueillir les dons de Dieu : «des anges vont s’approcher de toi aussitôt pour servir ». Ecoute Ma voix ; ne ferme pas ton cœur !