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23 février 2020

Saint Polycarpe de Smyrne

 

 

Polycarpe de Smyrne

L’Eglise, le 23 février, fait mémoire de saint Polycarpe, un héros de la foi, un des premiers martyrs de l’Eglise. Et qui est ce grand homme dont la plupart des chrétiens ne connaissent vraiment pas ?

Selon Pionis, un prêtre du IIIe siècle, et lui aussi martyr, Polycarpe serait originaire de Perse. Tout jeune, il a été amené à Smyrne par des marchands qui l’ont vendu à Callista, une noblesse. Callista était chrétienne, et il a élevé le jeune Polycarpe dans cette même foi. Peu après, Callista fut morte et Polycarpe hérita de ses biens.

Ces biens, Polycarpe les utilisa pour perfectionner sa vie dans la chasteté, dans la connaissance des Ecritures. Aussi, Polycarpe les utilisa pour manifester sa piété, en prenant soin des malades, des infirmes et des vieillards. Polycarpe était un visionnaire et il savait opérer certains miracles.  

Ainsi, quelques années plus tard, c’est par l’imposition des mains de Boucolos, premier évêque de Smyrne qu’il a reçu le diaconat. Boucolos l’attacha à son Eglise comme son coadjuteur quand il lui demanda, peu avant sa mort, de paitre à sa suite le troupeau du Seigneur. Diacre, puis prêtre, Polycarpe est promu évêque entre les années 113 et 117, et remplit les fonctions de son ministère apostolique pendant une cinquantaine d'années.

Polycarpe était également un disciple de saint Jean, l’écrivain du 4e Evangile, le disciple bien-aimé et apôtre du Seigneur qui, vers la fin de sa vie, après avoir été exilé sur l'île de Patmos, puis libéré après la mort de Domitien, s'est établi à Éphèse (d'après la tradition, particulièrement saint Irénée de Lyon qui fut lui-même un des élèves de Polycarpe). Outre des entretiens avec lui et un encouragement à devenir évêque, il l'a éventuellement accompagné lors d'un voyage apostolique. Une lettre d’Irénée à Florénus dit ceci :

« Je me souviens que quand j’étais encore enfant dans l’Asie inférieure où tu brillais alors par ton emploi à la cour, je t’ai vu près de Polycarpe, cherchant à acquérir son estime. Je me souviens mieux des choses dès lors, ce qui est arrivé depuis, car ce que nous avons appris dans l’enfance croit dans l’âme, s’identifie avec elle, si bien que je pourrais dire l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour causer ; sa démarche, sa physionomie, sa façon de vivre, les traits de son corps, sa manière d’entretenir l’assistance, comment il racontait la familiarité qu’il avait eue avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur. Et ceux qu’avait entendu dire sur le Seigneur, sur ses miracles, sur sa doctrine… Polycarpe les rapportait comme l’ayant reçu des témoins oculaires du Verbe de vie, et tout conforme aux Ecritures ».

Dans un autre texte, il écrit :

« Et Polycarpe, non seulement il était instruit par les Apôtres, et avec eux avec beacoup de ceux qui ont vu notre Seigneur, mais c’est encore par les Apôtres que, dans l’Eglise de Smyrne en Asie, il a été constitué Évêque. Nous-mêmes l’avons vu dans notre premier âge, car il a vécu longtemps. Il était tout à fait vieux lorsqu’il était sorti dans cette vie par un très glorieux et illustre martyr. Or, il a toujours enseigné ce qu’il avait appris des Apôtres ; cette doctrine que l’Eglise aussi transmet, et qui est la seule vraie. Toutes les Eglises qui sont en Asie l’attestent, et tous ceux qui, jusqu’à ce jour ont succédé à Polycarpe, un tel homme et un témoin de la vérité, autrement sûr et digne de foi que Valentin, Marcion, et tous ceux qui pensent de travers. »

Polycarpe a été l’un des évêques les plus influents et les plus estimés de son temps, à tel point qu'en 154 il est choisi comme représentant des Eglises d’Asie. Vers 160, il a été envoyé à Rome pour discuter avec le pape Anicet autour de plusieurs points de divergence, sujets à tension entre les Chrétiens de l’Orient et ceux d’Occident, particulièrement la date de Pâques. Ils n’ont pas pu trouver un accord, mais ils se sont séparés dans l’amitié.  

Polycarpe combattait nombreuses sectes jugées hérétiques, notamment la gnose et le marcionisme. Il fut un bon ami de saint Ignace d’Antioche qu’il avait accueilli en sa ville de Smyrne lorsqu’il était condamné ad bestias dans les arènes de Rome. Voilà pourquoi, de Troas, saint Ignace lui écrivit pour le remercier de son accueil. Aussi, il lui demanda d'envoyer des missionnaires affermir sa communauté dans la foi.

Les années passent ; et l’apôtre accomplit son ministère selon le cœur du Maitre de la vigne. Mais depuis l’an 156, la persécution, sous les Antonins, était modérée à Smyrne. Les autorités mettaient à mort les chrétiens arrêtés ; car, à leurs yeux, ils commettaient au moins un crime de lèse-majesté pour n’avoir pas offert des sacrifices aux dieux, c’est-à-dire méconnaitre la souveraineté absolue des Césars. C’est de cette décision que Polycarpe va trouver sa mort.

Maintenaient, voyons un extrait du récit de son martyre. C’est le plus ancien récit de martyre qui nous soit parvenu. Il fut diffusé dans toute la chrétienté et servit de modèle à d’autres « imitateurs du Christ ». nous le tirons du « Livre des martyrs chrétiens » : Bruno Chenu, Claude Prud’homme, France Quéré, Jean-Claude Thomas, Centurion, Paris 1988, p. 42-49.

 

L’Église de Dieu qui réside à Smyrne à l’Église de Dieu qui est à Philomélion et à toutes les communautés que l’Église sainte et universelle a partout établies. Que Dieu notre Père et notre Seigneur Jésus-Christ vous remplissent de miséricorde, de paix et d’amour !

Frères, c’est pour vous que nous rédigeons les actes des martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le supplice sembla achever la persécution en la frappant de son sceau.

En presque tous les événements qui précédèrent sa mort, le Seigneur nous montre un martyre tout entier évangélique. Polycarpe a attendu d’être livré, comme le Seigneur, afin qu’imitant son exemple, nous regardions moins notre intérêt que celui de notre prochain. L’amour, quand il est vrai et fort, n’incline pas à se sauver seul, il aspire au salut de tous les frères…

Polycarpe, le plus admirable de tous, ne se laissa pas d’abord émouvoir par les rumeurs de persécution. Il voulait rester en ville. Mais comme son entourage le pressait d’aller se mettre à l’abri, il gagna une petite maison non loin de Smyrne et il l’habita avec quelques amis, ne faisant qu’y prier jour et nuit, pour tous les hommes et toutes les Églises de ce monde, selon la coutume.

C’est au cours de sa prière que, trois jours avant d’être arrêté, il eut une vision : son oreiller prenait le feu et était entièrement consumé. Alors il se tourna vers ses compagnons : « Il faut que je sois brûlé vif. »

Cependant on le recherchait activement. Il dut gagner une seconde cachette ; à peine y arrivait-il que les gens lancés à sa poursuite firent irruption dans la première maison. Ne l’y trouvant pas, ils saisirent deux jeunes esclaves, en torturèrent un, qui parla. Polycarpe désormais ne pouvait plus leur échapper, puisqu’il avait été dénoncé par un des siens. L’irénarque qui répondait au nom d’Hérode, était pressé de le conduire au stade. Ainsi Polycarpe accomplirait-il sa destinée, en ne faisant qu’un avec le Christ… Il aurait pu s’échapper, mais il refusa : « Que la volonté de Dieu soit faite », dit-il.

Son âge et sa sérénité frappèrent les gens ; et ils ne comprenaient pas qu’on ait mis tant de police sur le pied de guerre pour arrêter un si noble vieillard. Mais lui, malgré l’heure tardive, les invita aussitôt à manger et à boire à satiété, il leur demanda seulement de lui laisser une heure pour prier en paix. Ils le lui accordèrent. Alors, debout, il se mit à prier, si intensément pénétré de la grâce de Dieu que deux heures durant il ne cessa de parler et d’impressionner ceux qui l’écoutaient. Beaucoup se repentaient d’être venus arrêter un vieillard aussi saint.

Quand il eut achevé sa prière, où il avait fait mémoire de tous ceux qu’il avait rencontrés dans sa vie, petits ou grands, illustres ou obscurs, et de toute l’Église catholique, répandue dans le monde entier, l’heure du départ était arrivée. On le jucha sur un âne et on le conduisit à la ville : c’était le jour du grand sabbat. L’irénarque Hérode, ainsi que son père Nicétès, vinrent au-devant de lui et le firent monter dans leur carrosse. Assis à ses côtés, ils essayèrent de le fléchir, disant : « Quel mal y a-t-il à dire seigneur César, à sacrifier et à observer notre religion pour sauver sa vie ? »

Mais lui ne leur répondit d’abord pas et, comme ils insistaient, il leur déclara : « Je ne suivrai pas vos conseils ». Humiliés par leur échec, ses interlocuteurs l’accablèrent d’injures et le poussèrent si brutalement de la voiture qu’en descendant il s’écorcha la jambe. Mais il n’en parut pas troublé, et il marcha d’un pas résolu, comme s’il ne sentait rien, vers le stade où on le conduisait.

Du stade montait une énorme rumeur et nul ne pouvait s’y faire entendre. Quand Polycarpe en franchit les portes, une voix retentit du ciel : « Courage, Polycarpe, et sois un homme ». Nul ne vit qui avait parlé, mais ceux des nôtres qui étaient présents entendirent la voix. On fit entrer Polycarpe. Quand la foule apprit qu’il avait été arrêté, les clameurs redoublèrent.

Le proconsul le fit comparaître devant lui et lui demanda s’il était Polycarpe. « Oui », répondit celui-ci. Alors il essaya de le faire abjurer : « Respecte ton âge », disait-il. Suivaient toutes les paroles que l’on tenait en pareil cas : « Jure par la fortune de César, rétracte-toi, crie : à mort les impies ! »

Alors Polycarpe jeta un œil sombre sur cette populace de païens massée dans le stade, et pointa sa main vers elle. Puis il soupira, et, les yeux levés au ciel, il dit : « A bas les impies ! » Le proconsul le pressait de plus belle : « Jure donc et je te libère, maudis le Christ ! »

Polycarpe répondit : « Si tu t’imagines que je vais jurer par la fortune de César, comme tu dis, en feignant d’ignorer qui je suis, écoute-le donc une bonne fois : je suis chrétien. Voilà quatre-vingt-six ans que je le sers et il ne m’a fait aucun mal. Comment pourrais-je insulter mon roi et mon sauveur ? Si le christianisme t’intéresse, donne-toi un jour pour m’entendre ».

Le proconsul lui dit : « Essaie de convaincre le peuple ». Mais Polycarpe répliqua : « Avec toi, je veux bien m’expliquer. Dieu nous demande de respecter comme elles le méritent les autorités et les hautes fonctions qu’il a lui-même instituées, du moment que cela ne nous porte pas préjudice. Mais ces gens-là ont trop peu de dignité pour que je défende ma foi devant eux ».

Le proconsul reprit : « J’ai des fauves, je t’y ferai jeter si tu ne changes pas d’opinion ».
- Fais-les venir ! Quand nous changeons, nous, ce n’est pas pour aller du bien au mal. Nous ne consentons à changer que pour devenir meilleurs.

Le magistrat s’irritait : « Je t’envoie au bûcher si tu ne crains pas les fauves. Apostasie donc ».
Polycarpe répliqua : « Tu me menaces d’un feu qui brûle une heure, puis s’éteint rapidement. Tu ignores donc le feu du jugement à venir et du châtiment éternel gardé pour les impies. Mais pourquoi tardes-tu ? Va, donne tes ordres ! ».

Telles furent ses paroles, et bien d’autres encore. Il rayonnait de courage et de joie, et la grâce inondait sa face. Il ne s’était pas laissé démonter par cette confrontation, c’était au contraire le proconsul qu’elle plongeait dans le désarroi.

Cependant, ce dernier envoya son héraut au milieu du stade pour claironner trois fois : « Polycarpe a avoué qu’il est chrétien ! » La déclaration du héraut mit en fureur toute la foule des païens et des Juifs qui résidaient à Smyrne. Les cris éclatèrent : « C’est lui, le maître de l’Asie, le père des chrétiens, le fossoyeur de nos dieux, c’est lui qui incite les foules à ne plus sacrifier ni adorer ! »

Au milieu de leurs hurlements, ils demandaient à l’asiarque Philippe de lâcher un lion sur Polycarpe. Mais il objecta qu’il n’en avait plus le droit, parce que les combats de fauves étaient clos. Alors d’une seule voix, ils réclamèrent que Polycarpe pérît par le feu. Il fallait en effet que s’accomplît la vision qui lui avait montré son oreiller en flammes: « Il faut que je sois brûlé vif ».

Les événements se précipitèrent… Rapidement, on disposa autour de lui les matériaux rassemblés pour le feu. Mais, quand les gardes voulurent le clouer au poteau : « Laissez-moi comme je suis, leur dit-il. Celui qui m’a donné la force d’affronter ces flammes me donnera aussi, même sans la précaution de vos clous, de rester immobile sur le bûcher. » Ils ne le clouèrent donc pas et bornèrent à le lier. Les mains derrière le dos, ainsi attaché, il ressemblait à un bélier magnifique, pris dans un grand troupeau pour être offert en sacrifice à Dieu et à lui seul destiné. Alors, il leva les yeux au ciel et dit :

 « Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, ton Fils béni et bien-aimé, à qui nous devons de te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute la création et du peuple entier des justes qui vivent sous ton regard, je te bénis parce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure, et que tu me permets de porter mes lèvres à la coupe de ton Christ, pour ressusciter à la vie éternelle de l’âme et du corps dans l’incorruptibilité de l’Esprit Saint. Accueille-moi parmi eux devant ta face aujourd’hui ; que mon sacrifice te soit agréable et onctueux, en même temps que conforme au dessein que tu as conçu, préparé et accompli. Toi qui ne connais pas le mensonge, ô Dieu de vérité, je te loue de toutes tes grâces, je te bénis, je te glorifie au nom du Grand Prêtre éternel et céleste, Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, par lequel la gloire soit à toi comme à lui et à l’Esprit Saint, aujourd’hui et dans les siècles futurs. Amen ! »

Punition selon les partisans de César, mais pour Polycarpe, le martyre est un excellent chemin d’être un témoin du Christ. Il voulait être son imitateur, jusqu’à revivre lui-même les souffrances et la mort de son Maître qui le mettront en communion étroite avec son Corps.

C’est ainsi, quand il eut prononcé cet « amen », qui achevait sa prière, les valets allumèrent le feu. Une gerbe immense s’éleva et nous fûmes les témoins d’un spectacle extraordinaire qui ne fut donné à voir qu’à ceux qui avaient été choisis pour ensuite faire connaître ces événements. La flamme s’arrondit. Semblable à la voilure d’un navire que gonfle le vent, elle entoura comme d’un rempart, le corps du martyr. Ce n’était plus une chair qui brûle, c’était un pain que l’on dore, c’était un or et un argent incandescents dans le creuset, et nous respirions un parfum aussi capiteux qu’une bouffée d’encens ou quelque autre aromate de prix.

À la fin, voyant que le feu ne pouvait consumer son corps, les scélérats ordonnèrent au bourreau de l’achever d’un coup de poignard. Il s’exécuta. Un flot de sang jaillit de la plaie et éteignit le feu. Toute la foule s’étonna de la grande différence qui sépare les incroyants des élus.

Ainsi finit sur terre la vie de Polycarpe, apôtres et grand serviteur de notre Seigneur, le douzième d’entre nos frères de Philadelphie à souffrir à Smyrne. Il fut l’un de ces élus, maître de notre temps, apôtre, prophète, évêque de l’Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche s’est vérifiée et se vérifiera.

 

 

Source :

Les Écrits des Pères apostoliques, Cerf, 2001.

Martyre de saint Polycarpe (vers 160), trad. du grec Cécile Bost-Pouderon : Premiers écrits chrétiens, Gallimard, coll. "La Pléiade", 2016, p. 249-258.

 

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