Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ad Iesum per hominem.-
Pages
Archives
22 mars 2017

SUR L’AMITIÉ...

Baiser-de-paix

 

 

J’ai toujours lu, et ceci avec intérêt, les différentes réflexions relatives à l’amitié. Elles sont généralement fascinantes, excellentes pour tout dire, et appellent à en témoigner. Voilà pourquoi, je décide, moi aussi, de transcrire mes réflexions et témoignages que je tiens à partager avec vous.

« Qu’est-ce qu’un ami ? » Aussi familière soit-elle, la question parait magnifique et tout un chacun est libre d’exprimer ce qu’il en pense. Mais, en réalité, qui suis-je ou, pour être plus clair, aurais-je les ressources qu’il faut pour cogiter sur un tel sujet ? Par contre, pour faire le tout de ce qu’on pourrait dire sur l’amitié, je pense qu’il faut la préférer à tous les biens de la terre… car elle est omniprésente : dans nos pensées, dans nos paroles et dans nos actions. Et pourtant nous omettons le plus souvent de réfléchir à la richesse de ce sentiment.

Dès son enfance, on a pu sentir quelques traits affectifs pour une personne. Quand, dans la salle de classe par exemple, un camarade se révèle éveillé, il attire automatiquement l’attention de tout le monde. Il peut arriver que d’autres camarades se disent : « celui-là peut être mon ami! Et comment vais-je faire pour le lui dire? » Et si cela se manifeste, on se trouve carrément en face de quelque chose qui se dépasse, qui nous dépasse tous en effet et dont le sens eût peut-être continué à dormir, il faut bien le dire, si on était resté dans le commun des élèves. Ce quelque chose-là est l’amitié.

C’est en réalité un fait, observé de tous temps et dans toutes les civilisations, que les hommes sont en quête de l’amitié. C’était déjà pour les Grecs une évidence de base. Le Maitre-à-penser Grec débute ainsi son Livre VIII : « L'amitié (en prenant ce mot dans le sens le plus étendu) est le lien universel qui unit, ou au moins rapproche tous les êtres animés : elle est, pour l'homme, le bien le plus précieux, puisqu'elle est le principal fondement de la société…  Il y a trois qualités ou conditions qui font naître l'amitié; ce sont la bonté, l'agrément, et l'utilité. Il faut, pour être amis, qu'au sentiment d'une bienveillance réciproque, fondée sur l'une de ces trois qualités, se joigne la connaissance du bien qu'on se veut mutuellement[1]. »

L’amitié est cette réalité parfaite et génératrice de lien social où la plus authentique est celle fondée sur l’égalité. Elle fait voir l’ami comme un autre soi-même ; et c’est parce que l’on s’aime soi-même que l’on peut faire du bien autour de soi en se reconnaissant dans l’autre. On peut alors s’être persuadé que l’amitié constitue un indice, qu’elle est, d’une certaine manière, le souverain bien. Voilà pourquoi tout le monde en réclame. Tout le monde veut avoir un ami et aimerait être un ami. Par contre, certains pensent qu’il est impossible de se forger un vrai lien sans qu’il y ait un intérêt… Demandons-le à nouveau, qu'est-ce qu'un ami?

L’amitié est comme un arbre ; elle grandit au fil des ans.  Elle est comme un jardin, il faut le cultiver pour y faire pousser des belles fleurs… On ne saurait conserver longtemps les sentiments qu'on doit avoir pour ses amis si on se prive de la liberté de parler souvent des problèmes, des défauts, des incompréhensions de l’un comme de l’autre.La vraie amitié est un sentiment très précieuse, plus précieuse même, que celui de l'amour. Riche serait quiconque ayant cette chance de rencontrer dans sa vie une amitié authentique, profonde ; on serait riche d’un trésor plus inestimable que l’amour, tel qu’il se laisse voir aujourd’hui (très souvent et même trop souvent égoïste), ne saurait jamais t’offrir.

Nous n’avons pas l’intention de vilipender le vrai amour, l’agapè, que saint Paul a si bien fait l’éloge et recommande ; on peut le lire dans 1 Corinthiens 13,1-13. Mais il faut reconnaitre que, torrent brutal et temporaire, l’amour remplit toute sa vallée au début du jour et, le soir, ne laisse que deux berges desséchées, se dressant face à face dans leur dévastation hostile, demeurent appauvries et stériles au terme à l’orage. L’amitié au contraire, rivière paisible aux plots tantôt abondants et rapides, tantôt apaisés et discrets, fertilise ses rives loin de les détruire et les réunit bien plus qu’elle ne les sépare. L'amitié vraie connaît les émotions les plus profondes du cœur… Dans les moments difficiles, l'amitié vient essuyer les larmes et surtout vient empêcher d'en verser. Donc on doit la garder précieusement car c'est une perle d'eau douce. L’amitié est le signe qui ne trompe pas. Même au niveau du foyer, si les couples, les enfants ne sont pas d’abord amis, l’amour dont ils se disent avoir l’un pour l’autre est un amour qui laisse à désirer. L’amitié est donc le lieu de vérification de tout vrai amour.

L’homme est un animal social, nous dit Aristote. Nous sommes faits pour qu’il existe entre nous quelque chose de social, et d’autant plus fort que les individus ont accès à une proximité plus étroite. Beaucoup de personnes affluent la richesse, d’autres aiment la santé, d’autres le pouvoir, beaucoup d’autres préfèrent les plaisirs. Et pourtant, seuls ceux préférant l’amitié font le choix lumineux. Car il n’y a rien de plus agréable que d’avoir quelqu’un à qui l’on ose tout raconter comme à soi-même. Et de plus, de quoi serait fait le charme si intense de nos succès, sans un être pour s’en réjouir tout autant que nous ? Quant aux défaites, en vérité, elles seraient difficiles à supporter sans cette personne, pour qui elles sont encore plus pénibles à supporter que pour soi-même. Seul, on s’aveugle nécessairement sur sa personne. C’est en se tournant vers son ami et en dialoguant qu’on se donne les moyens de mieux se comprendre. Le véritable ami est un alter ego, c’est-à-dire un « autre soi-même ».

Tous les autres privilèges auxquels beaucoup aspirent ne sont qu’apparents et n’existent qu’en vue d’une seule forme d’utilisation : les richesses sont là pour être dépensées, la puissance pour être courtisée, les honneurs pour susciter les louanges, les plaisirs pour en tirer la jouissance, la santé pour qu’on ait pas à subir la douleur ; par contre, l’amitié, elle, contient une foule de possibilités. Dans quelque direction qu’on se tourne, elle est là, secourable, n’est exclue d’aucune situation, n’est jamais importune, jamais embarrassante.

Dans l’une de ses compositions musicales, « L’Hymne à l’amitié », Céline Dion chante et j’épingle quelques-unes de ses phrases que je considère clé: l’ami est celui qui est pour toi ce que tu es pour lui ; il peut t’aimer sans jamais te juger, celui qui reste quand les autres t’ont déjà quitté. L’ami est celui qui devient fou quand tu fais des folies, celui avec qui tu franchis des montagnes. L’ami c’est celui qui a ton rire mais qui a tes larmes aussi ; celui qui se fait un frère, le compagnon de la route… si c’est un ami : tu peux donc dire un grand merci à la vie car tu as déjà trouvé l’étoile du berger et déjà bien réussi ta vie : l’amitié est le plus beau pays.

L’amitié rend plus merveilleuses les faveurs de la vie, et ses coups durs, en communiquant et partageant, plus légers. Elle auréole l’avenir d’optimisme. Dans l’horizon de l’amitié, les absents sont présents, les indigents sont riches, les faibles sont pleins de force… l’amour peut être intéressé, il peut feindre ; mais dans l’amitié, rien n’est feint, rien n’est simulé, tout est vrai et spontané. La vraie amitié est éternelle. Mais attention ! De même qu’il y a de faux amour, il peut exister de fausse amitié. A ce sujet, les Frères de l’Instruction Chrétienne, nous dit ceci: « Ne te fie à aucun ami avant de l’avoir éprouvé ; dans la salle des festins, on en trouve plus qu’à la porte des prisons ».

Dans la Bible, le Livre de Ben Sirac le Sage : Siracide ou Ecclésiastique, au chapitre 6, du verset 5 au verset 17, nous fait le panorama, la photographie de l’amitié ; paraphrasons-le et concluons avec :

Des paroles aimables te vaudront beaucoup d’amis, un langage courtois attire des réponses bienveillantes. Aie beaucoup d’amis, mais pour te conseiller, choisis entre mille. Si tu as trouvé un nouvel ami, commence par le mettre à l’épreuve, ne lui accorde pas trop vite ta confiance. Il y a l’ami qui est ami quand cela lui convient, mais ne le restera pas dans les difficultés. Il y a l’ami qui se transforme en ennemi et qui fait savoir partout votre désaccord, pour ta confusion. Il y a l’ami qui est ami pour partager ta table, mais qui ne le restera pas quand tes affaires iront mal. Tant qu’elles marcheront bien, il sera comme ton ombre, très à l’aise avec les gens de ta maison. Mais si tu as des revers, il se tournera contre toi et évitera de te rencontrer. Prends tes distances avec tes ennemis, et fais attention avec tes amis. Un ami fidèle est un refuge sûr ; qui le trouve a trouvé un trésor. Que ne donnerait-on pas pour un ami fidèle ? Considère qu’il n’a pas de prix ! Un ami fidèle est comme un remède qui te sauve, il est un élixir de vie ; ceux qui craignent le Seigneur le trouveront. Celui qui craint le Seigneur trouvera le véritable ami, car tel on est, tel sera aussi l’ami.

 

Père Emmanuel Fenelus

Paroisse Notre-Dame de la Délivrance

Fort-Liberté



[1] Aristote, Ethique à Nicomaque, Livre VIII

Publicité
Commentaires
ad Iesum per hominem.-
Publicité
Derniers commentaires
ad Iesum per hominem.-
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 548 426
Publicité